Je me plante une dernière fois les ongles dans la peau de l'avant-bras gauche, les larmes ruisselant sur mes joues. Cela ne peut pas être possible. Non, je refuse de croire ce « Maître du Jeu ». Je ne vais pas rester éternellement dans cet endroit. C'est juste un cauchemar ! J'en suis sûre ! J'espère... Je fixe les morceaux de papier blancs à mes pieds puis constate que certains ont des tâches rougeâtres. Je suis encore entrain de me pincer, si fort que j'en saigne. Ce n'est qu'en me rendant compte de cela que je ressens la douleur. Mais de quelle douleur exactement ? La légère de mon bras ou la déchirante de mon cœur ? Cela importe peu, si cela n'est pas un mauvais rêve, je dois sortir d'ici. Je sors de la chambre où je me suis réveillée et cours dans les couloirs sans savoir où ils me mènent. Je finis par trouver des escaliers et arrive dans ce qui me semble être un hall. Mais où suis-je finalement ?! Je pousse les deux grandes portes qui s'ouvrent à moi et sors.

Soudain éblouie par la lumière du Soleil je mets une main au-dessus de mes yeux puis continue à courir. Je ne sais quelle direction prendre mais qu'importe, il faut que je trouve une ville. J'arrive à la plage. Je ne peux pas m'enfuir par la mer et fais donc demi-tour. Je continue ma course quand j'aperçoit le toit du bâtiment et change de direction. J'arrive finalement dans une forêt. Peut-être y a-t-il une route ou un chemin qui la traverse ? C'est avec cet espoir en tête que je continue de courir dans cette forêt. Soudain essoufflée je m'arrête et contemple mon environnement. Si je m'étais réveillée dans cette forêt j'aurais sûrement pensé être dans un rêve et non dans un cauchemar. Les arbres étaient immense et leurs feuilles formaient un plafond vert lumineux troué par endroit pour laisser passer les rares rayons du Soleil. C'est si calme. La tension est un peu retombée et je ne pense plus à rien. Une légère brise sèche mes dernières larmes. Soudain des bruits de pas me sortent de ma rêverie. Est-ce un animal ? Ou une personne ? La panique reprend possession de moi. Et si quelqu'un était venu me chercher pour me forcer à retourner là-bas ? Je prend une direction au hasard en courant. Certes ce n'est pas discret, mais ce sera au moins efficace. Du moins c'est ce que je pense jusqu'à ce que je trébuche sur une grosse racine. Je fais un petit vol plané avant d’atterrir dans des ronces. Je pousse un petit cri aiguë durant ma chute qui se prolonge quand ma peau rencontre les épines.

Aieuuuuh...

Etant donné que je n'ai pas de chaussures et que je porte une robe à bretelles blanche, je me suis bien évidemment faite quelques égratignures en plus d'avoir tâché ma robe avec les mûres. Ce n'était vraiment pas mon jour. Assise au milieu des ronces, je remarque que j'ai une feuille devant les yeux et tente de l'enlever malgré les épines griffant mon bras. Je tourne la tête pour voir où j'ai atterri et vois une jeune fille non loin de moi qui semble me fixer. Tel un animal effrayé je me lève et sors plus vite que je ne l'aurai imaginé des ronces. Et si elle était venue me ramener ? Je recule en espérant lui échapper mais mon pied glisse et me revoilà les quatre fers en l'air, en plus de m'être cognée l'arrière de la tête contre le tronc d'un arbre. Je me colle à celui-ci, ne sachant que faire. La panique en plus des blessures ont refait couler quelques larmes sur mes joues. Je ne sais que faire à part la dévisager. Elle a une peau café au lait avec de longs cheveux noirs ainsi que deux grands yeux couleur noisette. Que fait-elle ici, au milieu de cette forêt ?

N-ne m'approche pas ! Ne me ramène pas là-bas ! Je veux juste rentrer chez moi !

A ces mots je me remémore les derniers événements. Je n'ai nulle part où aller. La police est sûrement à ma recherche parce que ... j'ai tué ... ma mère... Je ramène mes jambes à ma poitrine, croise les bras sur mes genoux et y enfouis ma tête en marmonnant avant de pleurer à nouveau :

Maman...

Spoiler:

Maman...

J'entends la jeune fille se rapprocher et lève la tête par curiosité. Elle se rapproche si vite que je n'ai pas le temps de réfléchir quand soudain je ressens une vive douleur sur ma joue accompagné d'un claquement bruyant. Je la fixe de mes grands yeux. Je ne suis pas sonnée, au contraire, j'ai plus l'impression que ça a fait l'effet inverse. Je touche ma joue et grimace un peu. Elle ne m'a pas loupé en tous cas. En temps normal je lui aurait déjà rendu le coup mais la panique, la peur et ma position d'infériorité actuelle m'en ont empêché.

Ne te laisse pas aller à tes émotions ainsi.

La claque qu'elle m'a faite a stoppé mes larmes et je me frotte les yeux pour les essuyer. C'est vrai que j'ai agi sans réfléchir et me suis laissée gagner par la panique... Elle ramasse son sac et le remonte à son épaule. Je reste méfiante envers elle, on ne sait jamais.

Cela a pu te sembler impromptu mais je ne savais pas comment te calmer autrement. Tu n'es pas au bon endroit pour libérer ta peur si tu veux mon avis...

Hmm...

Je baisse les yeux et regarde le sol. J'ai l'impression d'être une petite fille qui s'est faite grondée. C'était un mal pour un bien, au fond je ne lui en veut pas trop... En fait je suis un peu perdue donc je m'en fiche. Elle m'a réveillée peut-on dire. Cependant je ne peux pas m'empêcher d'avoir peur ! Je me réveille dans un lieu que je ne connais pas avec un message qui dit que je vais rester ici pour l'éternité, j'ai le droit de paniquer ! La jeune fille reprend en haussant un peu la voix :

Je ne cherche pas à te ramener au pensionnat en outre, si tu souhaites dormir dans ces bois c'est ton choix. Je te déconseille juste d'éviter de t'approcher des buissons vivants.

Des buissons vivants... ?

J'arque un sourcil. Elle me prend pour une gamine ou quoi ? Les buissons vivants n'existent pas ! Je prend très mal cette dernière phrase. Même si je suis soulagée qu'elle ne veuille pas me ramener là-bas. Mais je n'ai pas l'intention de dormir dans cette forêt ! Je la vois se retourner et faire quelques pas avant de s'arrêter pour de revenir vers moi tout en gardant une certaine distance. Elle se penche un peu et me regarde avec un regard doux.

Tu t'es faite attaquer ? Tu viens d'arriver ici ?

Elle passe de la fille violente et moralisatrice à la fille douce et attentionnée. En plus elle me prend vraiment pour une gamine on dirait ! Ça m'énerve ! Je me relève doucement en me tenant au tronc puis époussette ma robe. Je lui répond donc, sur un ton énervé en fonçant les sourcils :

Non je ne me suis pas faite attaquer et oui je viens d'arriver ici. Cependant je ne suis pas une gamine donc pas la peine de me faire ce regard ! Et les buissons vivants n'existent pas ! Ne me prend pas pour une idiote !

Je me déplace de quelques pas sur le côté en espérant apercevoir un chemin ou quelque chose qui me permettrait de sortir de ces bois. Je fais je ne sais combien de tours sur moi-même en scrutant l'horizon mais je ne vois que des arbres. Je pousse un soupir avant de reporter mon regard sur la fille à la peau mate. J'hésite un instant, puis fais finalement un pas en avant. Je crois qu'il n'y a qu'elle pour l'instant qui puisse peut-être m'aider. Je m'avance donc vers mon unique chance de m'en sortir et demande :

Dis, tu ne saurais pas où on est par hasard ? Y a-t-il une ville dans les parages ? Je ne tiens pas vraiment à rester éternellement dans ce pensionnat.